Rapport trimestriel BRI, septembre 2014: Malgré un épisode de volatilité, les marchés tiennent bon

Communiqué de presse  | 
14 septembre 2014
  • Après un bref rebond début août, la volatilité est retombée à un niveau extrêmement bas sur les marchés financiers. Les primes de risque sont restées faibles, l'inquiétude suscitée par les tensions géopolitiques n'ayant eu qu'un effet passager sur les marchés, étant donné les conditions monétaires exceptionnellement accommodantes.

  • Au premier trimestre 2014, l'activité bancaire internationale a cessé de se contracter. Les créances transfrontières des banques déclarantes BRI ont enregistré leur première hausse significative (580 milliards de dollars) depuis 2011.

  • Les titres de dette internationaux émis récemment par les entreprises des économies émergentes ont une durée moyenne plus longue. Cette évolution atténue le risque de refinancement, mais elle a aussi pour effet de rendre le prix des obligations plus sensible aux variations des rendements, déplaçant ainsi le risque des emprunteurs vers les détenteurs d'obligations.

  • Les grands gestionnaires d'actifs détiennent une part considérable des actions et obligations des marchés émergents. Ken Miyajima et Ilhyock Shim (BRI) mettent en évidence certaines caractéristiques du secteur de la gestion d'actifs qui pourraient contraindre les fonds de gestion à vendre leurs actifs en cas de chute des prix, ce qui déstabiliserait les marchés.

  • Michael Chui, Ingo Fender et Vladyslav Sushko (BRI) font valoir que, parce qu'elles ont émis de gros volumes de titres de dette internationaux, les entreprises des économies de marché émergentes pourraient se trouver fragilisées par les effets combinés de facteurs tels qu'un ralentissement intérieur, une dépréciation de la monnaie locale ou un relèvement des taux d'intérêt mondiaux.

  • Le montant des prêts bancaires à destination des économies de marché émergentes a chuté à la mi-2013, après l'annonce, par la Réserve fédérale, d'une réduction progressive de ses achats d'actifs. Stefan Avdjiev et Előd Takáts (BRI) montrent que les pays qui en ont le plus souffert sont ceux qui avaient un lourd déficit courant et une part élevée de prêts transfrontières libellée en dollar.

  • Michela Scatigna, Robert Szemere et Kostas Tsatsaronis (BRI) présentent une base de données recensant les prix des biens immobiliers résidentiels dans 55 pays. Pour 18 d'entre eux, les séries statistiques remontent au début des années 1970.

Synthèse par chapitre

Malgré un épisode de volatilité, les marchés tiennent bon

Après une accalmie prolongée, les marchés financiers ont connu un épisode de volatilité début août. L'appétit pour le risque s'est apaisé, tandis que la recrudescence des tensions géopolitiques ajoutait au regain d'inquiétude quant à la reprise. Les cours des actions ont chuté, notamment en Europe, les écarts sur les titres à haut rendement se sont considérablement accrus, et les rendements des valeurs refuges, comme le bund allemand à échéance courte, sont passés en territoire négatif. Les marchés ont toutefois rapidement traversé cette zone de turbulences. Début septembre, ils avaient déjà effacé leurs pertes : les craintes suscitées par les tensions géopolitiques étaient reléguées au second plan, les investisseurs anticipant une nouvelle stimulation monétaire dans la zone euro.

Après cet épisode, les marchés financiers ont renoué avec la quête du rendement, un phénomène très présent depuis la mi-2012. La volatilité est retombée à un niveau extrêmement bas dans pratiquement toutes les classes d'actifs, et les primes de risque sont restées faibles. En favorisant la prise de risque et la quête du rendement, les politiques monétaires accommodantes ont ainsi continué de contribuer à un environnement de valorisation élevée des actifs et de volatilité exceptionnellement modérée.

Principales tendances ressortant des statistiques internationales BRI

Le premier trimestre 2014 a vu s'achever la phase de contraction que traversait l'activité bancaire internationale depuis la fin 2011. Entre fin décembre 2013 et fin mars 2014, les créances transfrontières des banques déclarantes BRI ont en effet enregistré une hausse de 580 milliards de dollars. Si elle n'a pas suffi à compenser les baisses trimestrielles antérieures, cette progression a néanmoins fait reculer le rythme annuel de contraction, le ramenant de -4,0 % fin décembre 2013 à -2,0 % fin mars 2014.

Les créances transfrontières des banques déclarantes BRI ont augmenté tant sur les économies avancées que sur les économies de marché émergentes. Parmi les économies émergentes, ce sont les créances sur les emprunteurs de Chine qui ont le plus augmenté, dépassant 1 000 milliards de dollars à fin mars 2014. Les créances sur le reste de l'Asie, l'Amérique Latine, et l'Afrique et le Moyen-Orient ont progressé également, quoiqu'à un rythme plus modéré. Les créances sur l'Europe émergente ont, quant à elles, baissé pour le quatrième trimestre consécutif.

Les titres de dette internationaux récemment émis par les entreprises des économies émergentes ont une durée moyenne plus longue. Cette évolution atténue le risque de refinancement, mais elle a aussi pour effet de rendre le prix des obligations plus sensible aux variations des rendements. Bien que les acteurs institutionnels, comme d'autres investisseurs obligataires, recourent rarement à l'effet de levier, voire pas du tout, ils pourraient toutefois être tentés de se comporter comme si c'était le cas, face à une indexation généralisée ou à des critères de performance relative, ou encore s'ils appliquent une stratégie de couverture dynamique pour compenser les pertes sur ventes d'options, ou d'autres méthodes de stimulation des rendements. Le risque est qu'ils se trouvent contraints de vendre sur un marché orienté à la baisse, ce qui pourrait pénaliser lourdement l'économie en freinant la croissance et en durcissant les conditions financières.

Études

Gestion d'actifs dans les économies de marché émergentes*

Les turbulences qui ont agité les économies de marché émergentes à la mi-2013, suite à l'annonce, par la Réserve fédérale, d'une réduction progressive de ses achats d'actifs, ont rappelé que l'activité des grands gestionnaires d'actifs pouvait avoir un impact marqué sur des marchés relativement étroits et peu liquides. Les données de la base EPFR Global font état d'une augmentation des actifs gérés par les fonds spécialisés dans les marchés émergents : de 900 milliards de dollars en octobre 2007, avant la faillite de Lehman Brothers, ils sont passés à 1 400 milliards de dollars en mai 2014. Les fonds recensés par la base de données EPFR détiennent actuellement quelque 8,5 % de l'encours total des actions et obligations des marchés émergents.

Ken Miyajima et Ilhyock Shim (BRI) font valoir que ces marchés pourraient être déstabilisés par l'influence croissante qu'exercent ces gestionnaires d'actifs. Si les investisseurs ultimes procèdent à des achats et remboursements simultanés, les fonds pourraient se trouver contraints d'adopter eux aussi des comportements d'achat et de vente identiques. Certaines caractéristiques du secteur de la gestion d'actifs, telles que l'utilisation des mêmes indices de référence et la mesure de la performance relative, peuvent induire une corrélation des schémas d'investissement, à même de favoriser un comportement unidirectionnel des marchés et d'accentuer les fluctuations de prix. De fait, il semble que, ces deux dernières années, les flux d'investissement à destination des gestionnaires d'actifs et les variations de prix des actifs sur les marchés émergents se soient mutuellement renforcés.

Risques liés au bilan des entreprises des économies de marché émergentes : rôle du levier financier et de l'asymétrie de devises*

Dans nombre d'économies émergentes, les entreprises ont profité des conditions de financement exceptionnellement avantageuses pour augmenter leur niveau d'emprunt à l'étranger et leur levier financier. D'après les données établies sur la base de la nationalité de l'émetteur (qui incluent les émissions des filiales étrangères des sociétés ayant leur siège dans un pays donné), les emprunteurs non bancaires du secteur privé des principales économies émergentes ont émis, sur la période 2009-2012, près de 375 milliards de dollars de titres de dette internationaux, soit plus du double du montant émis au cours des quatre années qui ont précédé la crise.

Michael Chui, Ingo Fender et Vladyslav Sushko (BRI) examinent les risques que présente cette envolée des émissions obligataires pour la stabilité financière. D'après les données qu'ils analysent, les entreprises des économies émergentes ont accru leur levier financier. De plus, la part de leur dette libellée en devises est très élevée, et tout porte à croire que, pour nombre d'entre elles, ces expositions ne sont assorties d'aucune couverture. Associée à un levier financier accru, cette situation accroît leur vulnérabilité aux effets combinés de facteurs tels qu'un ralentissement intérieur, une dépréciation de la monnaie locale ou un relèvement des taux d'intérêt mondiaux.

Prêts bancaires transfrontières après l'annonce du tapering : le rôle des fondamentaux des marchés émergents*

L'activité de prêt transfrontière des banques à destination des économies émergentes s'est considérablement ralentie durant la crise qui a suivi l'annonce, par la Réserve fédérale, d'une réduction progressive de ses achats d'actifs (tapering). Stefan Avdjiev et Előd Takáts s'appuient sur des données récemment publiées pour analyser les facteurs de ce ralentissement. Ils constatent que, si le choc initial est venu des économies avancées, ce sont des facteurs spécifiques aux économies émergentes qui expliquent l'essentiel de la différence de rythme de ralentissement entre paires de prêteurs-emprunteurs. Si les facteurs liés au système bancaire des prêteurs sont tout aussi significatifs, sur le plan statistique, que ceux relatifs aux économies émergentes bénéficiaires, ces dernières représentent néanmoins quelque 70 % de la variation expliquée. En particulier, les facteurs majeurs recensés par les auteurs sont le solde des transactions courantes et la part des prêts bancaires transfrontières libellés en dollar. Les 30 % restants sont imputables à une variable du système bancaire prêteur, à savoir la variation de la prime CDS des banques pendant les turbulences consécutives à l'annonce, par la Fed, de la réduction progressive de ses achats d'actifs.

Statistiques des prix de l'immobilier résidentiel dans le monde*

Les prix du logement peuvent être des indicateurs clés du risque d'instabilité financière, les flambées de prix dans ce secteur conduisant souvent à des crises systémiques. Pourtant, malgré leur importance, il est difficile d'obtenir des données sur l'immobilier résidentiel sous une forme permettant d'établir des comparaisons internationales. Pour combler cette lacune, la BRI collecte des données sur les prix du logement dans 55 pays. Pour 18 d'entre eux, les séries disponibles remontent au début des années 1970.

Après une présentation de ces données, l'étude de Michela Scatigna, Robert Szemere et Kostas Tsatsaronis (BRI) montre que l'évolution des prix du logement diffère considérablement d'un pays à l'autre depuis quelques années. Dans certaines des économies avancées qui ont récemment connu un boom de l'immobilier, les prix réels des biens résidentiels ont cessé de baisser, voire ont recommencé à augmenter, mais ils continuent de diminuer dans d'autres pays. En revanche, les prix des logements s'envolent dans la plupart des économies de marché émergentes hors d'Europe.


* Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de la BRI.