Les Banques Centrales, la BRI et la Stabilité Financière
Article by André Icard, Deputy General Manager of the BIS, published in 'La Revue Franaise d'Administration Publique', March 2000.
Outre les responsabilités particulières qu'elles exercent dans le domaine monétaire, les banques centrales participent à la défense de la stabilité financière.
Il s'agit là d'un domaine à compétences partagées car, de même que les banques centrales ne sont généralement pas seules, au niveau national, à connaître de cette question, de même n'y sont-elles jamais totalement étrangères.
En effet, même dans les pays comme la France, l'Italie ou les Pays-Bas, où le contrôle et la réglementation des banques sont confiés à la banque centrale ou à des organismes qui leur sont proches, il est habituel qu'au moins une partie des agents financiers non bancaires relèvent d'autres instances prudentielles.
À l'inverse, pratiquement partout, la responsabilité des systèmes de paiements revient, en droit ou en fait, à la banque centrale. De plus, dans les pays comme l'Allemagne, le Japon ou le Royaume-Uni, où le contrôle des banques est assuré par un organisme spécifique, les banques centrales soit participent de fait à l'exercice de la supervision bancaire, soit ont conservé un certain droit de regard sur la solidité su système bancaire et financier national. De fait, stabilité monétaire et stabilité financière sont deux domaines étroitement imbriqués ; l'histoire économique témoigne de cette interdépendance que les crises mexicaine, asiatique et russe ont confirmé.
De surcroît, on ne peut penser que la fonction de prêteur en dernier ressort, fonction précisément située à la charnière du monétaire et du systémique et que seule la banque centrale peut exercer, puisse l'être dans de bonnes conditions sans une implication ou, à tout le moins, une expertise de celle-ci dans le domaine du prudentiel.
Dans des marchés financiers désormais mondialisés, la défense de la stabilité financière implique inévitablement une bonne coopération internationale, ceci constitue un des domaines privilégiés d'action de la Banque des Règlements Internationaux, point de liaison traditionnel entre les banques centrales des pays participant au marché mondial des capitaux.
Pour clarifier le rôle que les banques centrales et la BRI jouent dans la défense de la stabilité financière ou, pour employer une autre expression, dans la prévention du risque systémique, il paraît nécessaire de décrire tout d'abord les composantes de ce qu'il est convenu d'appeler le « système financier international » et d'utiliser quelques exemples récents pour montrer les risques auxquels il peut être confronté.
Une seconde partie sera consacrée au rôle des diverses instances à vocation prudentielle et pour terminer, une troisième partie décrira le Forum de stabilité financière qui, créé voici une année, a pour vocation de coordonner leur action.
I. Système financier et crises financières
Définir ce qu'est le « système financier » n'est pas tâche facile, tant le processus de changement affectant les marchés financiers est profond et rapide et tant les transactions qui s'y traitent témoignent d'une complexité croissante.
La révolution technique et les baisses de coût dans l'informatique et les télécommunications ainsi que la déréglementation contribuent à remodeler profondément l'industrie financière qui comporte de nos jours une grande variété d'acteurs : fonds de pension, fonds mutuels, fonds spéculatifs, qui côtoient désormais les acteurs traditionnels que sont les banques, les maisons d'investissement et les compagnies d'assurances, chacun ayant des stratégies et des comportements spécifiques pouvant soit se cumuler, soit se compenser avec les autres et, de ce fait, soit accentuer, soit réduire les effets moutonniers si souvent constatés sur les marchés internationaux.
Nous nous contenterons ici de considérer les trois composantes principales du système financier international que sont les institutions financières (les acteurs), les marchés financiers et les systèmes de paiement et de règlement.
Assurer la stabilité de l'ensemble consiste à assurer la stabilité de chaque composante ou, si des faiblesses apparaissent dans l'une d'entre elles, de faire en sorte qu'elles n'influencent pas les autres et surtout qu'elles ne puissent interagir avec les faiblesses des autres.
Les dettes extérieures de la Russie à l'égard des banques internationales atteignaient en juin 1998 $70 milliards. On sait les sérieux dommages que le moratoire décrété par ce pays en août 1998 a causé sur les bilans et comptes d'exploitation de nombreuses banques. Imagine-t-on l'incidence qu'aurait eu un moratoire décrété simultanément par la Corée, la Thaïlande et l'Indonésie qui totalisaient en juin 1997 $300 milliards de dettes ? Nombreux auraient été les établissements financiers des pays développés qui n'auraient pu surmonter un tel choc, et l'on pressent aisément les risques dépressionnistes auxquels les économies des pays développés auraient été confrontées si des programmes économiques d'ajustement, soutenus par d'importants dispositifs financiers, n'avaient pas été rapidement mis en place en Asie.
La crise asiatique puis celle de la dette russe et les préoccupations concernant la situation au Brésil ont provoqué une hausse marquée des marges de risques sur les titres des marchés émergents et une augmentation sans précédent historique de la volatilité des marchés mondiaux. Cette situation a mis en grave péril le très important et jusque-là très réputé hedge fund « LTCM », dont il s'est avéré qu'il entretenait de très larges positions financées grâce à un recours spectaculaire à l'effet de levier. Les positions prises étaient telles qu'une cessation de paiement de LTCM et la liquidation des positions qui en aurait logiquement résulté étaient de nature à provoquer de graves désordres sur l'ensemble des marchés mondiaux, susceptibles de déstabiliser à leur tour d'autres acteurs de marché. Fort justement et fort efficacement, la Banque de Réserve fédérale de New York a monté avec célérité un programme de soutien à LTCM, financé par les principales banques créancières, de façon à assurer un ajustement ordonné des positions du hedge fund.
Ainsi, après avoir examiné un cas de risque systémique touchant les agents financiers du fait de la défaillance d'importants débiteurs, le cas LTCM illustre une situation dans laquelle la faillite d'un seul établissement risque de transformer en choc systémique une tension préalable du marché.
L'action de la Banque fédérale de New York dans le cas de LTCM n'est pas sans rappeler celle, tout aussi décisive bien que s'inscrivant dans un contexte différent, de cette même banque fédérale lors du krach boursier d'octobre 1987. La Fed avait alors décidé, en un temps très limité, d'injecter d'importantes liquidités dans le marché monétaire pour permettre aux intermédiaires boursiers solvables mais en manque de trésorerie de solder leurs lignes débitrices sur les livres des banques commerciales. L'action entreprise en octobre 1987 relevait tout à fait de la fonction de prêteur en dernier ressort, celle de septembre 1998, liée à LTCM, n'a pas induit d'injections de liquidités supplémentaires dans le système financier. Elle ne relève donc pas de la fonction de « prêteur » stricto sensu mais plutôt de la responsabilité, plus générale, de prévention du risque systémique.
Le cas d'un risque systémique avéré touchant à la composante « systèmes de paiement et de règlement » ne s'est fort heureusement jamais vraiment matérialisé, mais les banques centrales, et les autorités de surveillance, coordonnées par la BRI, sont très vigilantes à ce propos. Ceci explique peut-être cela. Un exemple a été donné par la diversité des initiatives prises en prévention du « bogue de l'an 2000 » : travaux communs dans le cadre du Comité des systèmes de paiement et de règlement logé à la BRI (voir partie II), avis et communiqués très fermes émis par les groupes de coordination des superviseurs, tel le Comité de Bâle, création d'un Conseil de l'an 2000 présidé par M. Ferguson, Vice-Président de la Réserve fédérale américaine, afin de coordonner les actions des autorités monétaires et prudentielles des différents pays, etc.
À partir des trois exemples présentés, on peut juger de la grande diversité des préoccupations touchant à la prévention des risques systémiques. Ce constat est confirmé par l'analyse des faiblesses de différentes natures qui ont contribué aux crises qui, depuis 1995, ont secoué les marchés mondiaux à intervalles rapprochés : Mexique, pays d'Asie, Russie, Brésil. Dans toutes les crises qui ont touché ces économies, on rencontre des caractéristiques communes, dont certaines relèvent du domaine monétaire, et qui sont autant de challenges, dans leur diversité, pour les autorités chargées de la stabilité du système financier international :
- parités de change fixe maintenues au-delà du raisonnable ;
- déséquilibres macroéconomiques majeurs tenant tantôt à la compétitivité externe, tantôt au déficit budgétaire, tantôt aux deux ;
- mauvaise structure de la dette extérieure avec une trop grande concentration d'échéances à court terme ;
- fragilité du système financier local et mauvaise qualité de son contrôle ; cette caractéristique à laquelle seul le Brésil a échappé a été un facteur nettement aggravant de la crise ;
- Instabilité des flux de capitaux vers les pays émergents conduisant, sous l'effet de phénomènes moutonniers, à des phases de surfinancement suivies de retraits massifs en période de crise ;
- grande diversité des acteurs du côté des créanciers et aussi, dans le cas de l'Asie, du côté des débiteurs, rendant plus délicate la gestion des crises.
De ce rapide survol on peut déduire combien les sources d'instabilité financière peuvent être nombreuses et variées. Face à cette réalité, il serait illusoire de croire qu'une réponse centralisée provenant d'une institution à vocation universelle serait appropriée. La diversité des maux que nous connaissons ou auxquels nous pouvons être confrontés doit conduire à une multithérapie mise en oeuvre non point par un généraliste, mais par une série de spécialistes coordonnant leurs efforts. Parmi lesquelles on compte, de toute évidence, les banques centrales, ceci nous conduit à décrire brièvement la structure des instances de stabilité financière, avant d'examiner l'apport que constitue la création récente du Forum de stabilité financière.
II. Les instances de stabilité financière
Ces instances sont très diverses et se composent des quatre principales institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE, BRI) et de cinq comités à vocation prudentielle.
Le FMI, la Banque mondiale et l'OCDE sont trop connus, pour qu'il soit nécessaire d'en détailler ici les structures et les missions. En revanche, il peut être utile de décrire succinctement le rôle de la BRI et des comités à vocation prudentielle, qui apparaissent plus rarement sur le devant de la scène.
Entièrement contrôlée par les banques centrales de 49 pays, la BRI joue à la fois le rôle de banque des banques centrales, pour la gestion de leurs réserves internationales et de centre de coopération internationale sur tous les sujets relevant de leur compétence ou de leur intérêt. Son conseil regroupe les représentants des banques centrales du G10 et de la Suisse. Des réunions au niveau des Gouverneurs et de leurs principaux collaborateurs se tiennent au moins tous les deux mois. De nombreuses autres réunions sont organisées soit à Bâle, où se trouve son siège, soit sur d'autres places tant au titre des activités propres de la BRI, soit dans le cadre des trois comités et de leurs sous-groupes, dont il est question ci-après.
Le principe qui préside aux travaux de la BRI et des comités placés dans sa mouvance est que les orientations arrêtées en commun restent de la compétence des participants pour ce qui est de leur mise en oeuvre. La coordination n'implique donc pas transfert de pouvoir ni de responsabilité. L'action dans le cadre des travaux de la BRI reste internationale au sens littéral du terme, par contraste avec l'approche « supranationale » qui caractérise celle du FMI, par exemple.
La BRI assure le secrétariat de trois comités institués sous l'égide du Comité des Gouverneurs de banques centrales du Groupe des Dix et de la Suisse. Chacun d'entre eux couvre en fait une des composantes du système financier :
- le Comité de Bâle sur la supervision bancaire (en anglais BCBS) est responsable de la stabilité des institutions bancaires. Depuis sa création, en 1974, il a produit de nombreuses règles, recommandations et études, réunies récemment dans un « compendium » de plusieurs centaines de pages. Parmi les initiatives les plus importantes prises par ce Comité, il faut citer le Concordat sur la supervision bancaire consolidée, l'accord sur le capital minium en cours de révision et l'établissement des Principes fondamentaux sur la supervision bancaire - core principles - définis avant même le déclenchement de la crise asiatique et qui ont ouvert la voie à la généralisation de standards internationaux destinés à renforcer les structures financières mondiales ;
- le Comité sur le système financier global (en anglais CGFS), autrefois dénommé « Comité permanent des euromonnaies » suit, pour le compte des banques centrales membres, tous les développements conjoncturels ou structurels touchant aux marchés internationaux de capitaux et à leurs agents et est responsable de la méthodologie des statistiques bancaires internationales ;
- le Comité sur les systèmes de paiement et de règlement (en anglais CPSS) vise à éviter les risques systémiques liés à l'acheminement et au règlement des transactions financières internationales, dont le volume a connu une croissance exponentielle au cours des dernières années.
Le CGFS et le CPSS sont composés de banquiers centraux, le Comité de Bâle, quant à lui, regroupe les superviseurs de banque qui, dans certains pays seulement appartiennent à la banque centrale. Mais tous trois sont logés à Bâle, ont leur secrétariat assuré par des équipes de la BRI et rapportent au Comité des Gouverneurs du G10 et de la Suisse. Du point de vue de leur représentation géographique, ces trois Comités sont, pour l'essentiel, composés de représentants des pays développés. Au cours des dernières années, ils ont toutefois multiplié les contacts avec les représentants des pays émergents à l'occasion de réunions élargies, de groupes techniques communs, de conférences régionales, etc.
Si le CGFS et le CPSS couvrent l'essentiel des structures financières globalisées, en revanche le Comité de Bâle sur la supervision bancaire n'a compétence que sur une seule catégorie d'agents financiers : les banques. Les superviseurs des deux autres composantes du monde financier, que sont les assurances et les maisons de titres et d'investissement, ont leurs propres instances de coopération : respectivement l'Association Internationale des Contrôleurs d'Assurance (en anglais IAIS) dont le Secrétariat, indépendant de la BRI, est cependant abrité par celle-ci à Bâle, et l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (en anglais IOSCO), dont le siège, jusqu'ici situé à Montréal, est sur le point d'être transféré à Madrid. La compétence de ces deux Comités est similaire, vis-à-vis de leurs adhérents, à celle du Comité de Bâle. Un groupe de coordination informel réunit ces trois instances sur les sujets d'intérêt commun, comme par exemple la surveillance des conglomérats financiers.
On le voit, le réseau des comités à vocation prudentielle est très complet et, bien que cela résulte plus d'une approche pragmatique des problèmes, au fur et à mesure de leur apparition, que d'une stratégie délibérée, offre une approche rationnelle pour la surveillance et la prévention des risques au niveau des agents financiers, des marchés et des systèmes. Les banques centrales et la BRI jouent un rôle important dans certains d'entre eux.
III. Le Forum de stabilité financière
Dans le prolongement de la crise asiatique, l'initiative a été prise, sous l'impulsion des autorités américaines, de constituer un groupe de travail de haut niveau visant à établir un diagnostic de la crise et à dresser les lignes d'action possibles, en vue de répondre rapidement aux principales préoccupations. Ce groupe prit le nom de l'hôtel où se tint la première réunion, « Willard ».
En octobre 1998, après l'achèvement des travaux du Willard Group, les ministres et gouverneurs du G 7 confièrent au Président Tietmeyer une mission visant à formuler des propositions pour renforcer les structures du système financier international. Le Forum de stabilité financière est le résultat de cette initiative.
Très pragmatique dans son approche et pratique dans ses conclusions, le rapport du Président Tietmeyer est imprégné d'un double constat, même si ceci n'apparaît pas directement dans le texte :
- Tout d'abord, une grande réforme des institutions internationales, que certains appellent de leurs voeux, serait irréalisable dans des délais raisonnables. Refaire Bretton Woods, redéfinir les structures et les missions du FMI, de la Banque mondiale et d'autres institutions internationales nécessiterait un fort consensus international, qui est loin d'exister, et exigerait de toute façon, à supposer que ce fût possible, des délais infiniment plus longs que le marché en laisserait avant la montée de nouveaux périls ;
- Ensuite, les instances existantes, dans leur diversité, ont toute la compétence requise, institutionnelle et technique, pour répondre rapidement aux problèmes qui se posent.
Dès lors, la voie à suivre consistait moins à réformer qu'à bâtir sur les fondations existantes, non pas à créer une ou plusieurs nouvelles institutions, mais plutôt à faire mieux fonctionner les existantes, en coordonnant leur action de manière plus efficace.
L'idée du Forum de stabilité financière consiste donc à réunir dans une instance commune de concertation et de coordination, dotée d'un secrétariat réduit, les représentants des principaux pays concernés et de toutes les instances ayant à connaître de la stabilité financière.
Le Président Tietmeyer a fait part de ses idées aux ministres et gouverneurs du G 7 au printemps de 1999 et la réunion constitutive du Forum s'est tenue à Washington, le 14 avril de cette même année.
Trois missions principales sont dévolues au Forum, toutes trois consacrées à la prévention des crises :
- détecter et évaluer les vulnérabilités ;
- identifier et contrôler les actions à entreprendre ;
- améliorer la coordination et l'information réciproque.
La définition de ce que le Forum doit faire se double d'une indication claire de ce qu'il ne doit pas faire :
- tout d'abord, le Forum n'a pas vocation à publier de grands rapports et encore moins à dupliquer les travaux de ses membres, mais il doit au contraire déterminer les pièces manquantes du puzzle de la stabilité et veiller au comblement rapide des lacunes par l'instance ou les instances appropriées ;
- le forum doit ensuite viser non pas des études théoriques supplémentaires ou des propositions hypothétiques, mais des réalisations, des mesures concrètes d'amélioration.
Le Forum regroupe :
- les représentants des pays du G 7, qui disposent chacun de trois sièges, un dévolu à la Trésorerie, un autre à la banque centrale, un troisième à une instance de régulation et de surveillance ;
- un représentant pour chacun des pays suivants : Australie, Hong-Kong, Pays-Bas, Singapour, dont l'admission récente témoigne d'une évidente volonté d'ouverture au-delà du cercle du G 7. Pour chacun de ces quatre pays, c'est le gouverneur de la banque centrale qui assure la représentation ;
- deux représentants pour le FMI ainsi que pour la Banque mondiale ;
- un représentant pour l'OCDE, pour la BRI et pour la BCE ;
- deux représentants pour le BCBS, IOSCO et IAIS ;
- un représentant pour le CGFS et CPSS.
La présidence du Forum est assurée par Andrew Crockett, Directeur Général de la BRI, nommé à titre personnel pour un mandat de trois années. La responsabilité du secrétariat a été confiée à la BRI.
Lors de la séance inaugurale, le Forum a défini trois axes de réflexion prioritaires donnant lieu à la constitution de groupes de travail :
- Les institutions à fort effet de levier (high leverage institutions), pour lesquelles il convient d'évaluer l'enjeu qu'elles constituent pour la stabilité financière, aussi bien dans les pays développés que dans les économies émergentes. Le groupe doit en particulier déterminer les lacunes dans l'organisation actuelle, évaluer les dangers, proposer des mesures d'amélioration et rechercher un consensus sur les actions prudentielles et réglementaires pouvant conduire à une réduction des risques de déstabilisation provenant de ces institutions ;
- Les centres off-shore, dont l'activité et les progrès dans l'application des standards internationaux de surveillance et de transparence doivent être évalués ; le groupe est chargé d'examiner les risques attachés à l'activité de ces centres et de déterminer les domaines de progrès possibles ;
- Les flux de capitaux, pour lesquels il convient de juger des mesures que les créditeurs et les débiteurs pourraient prendre pour en réduire la volatilité ; le groupe évalue en particulier les politiques et pratiques que les pays endettés peuvent mettre en place en vue de réduire les risques liés à l'endettement extérieur à court terme ; il doit aussi évaluer la pertinence de l'appareil statistique en place.
Ces trois groupes de travail doivent rendre leurs conclusions à la réunion du Forum qui se tiendra à Singapour les 25et 26 mars 2000.
À ces trois thèmes prioritaires, d'autres sont venus rapidement s'ajouter : l'examen comparatif des régimes d'assurance des dépôts qui pourrait déboucher sur la publication de standards internationaux, en septembre 2000 ; l'étude de la supervision des activités d'assurances et des efforts à accomplir pour renforcer la coopération internationale dans ce domaine ; l'analyse de l'effet cyclique de la réglementation sur le capital minimum des banques ; la supervision des activités financières sur support électronique ...
À ces divers travaux, le Forum ajoute une fonction permanente de surveillance des marchés et des flux financiers, de manière à évaluer les risques potentiels suffisamment à l'avance pour permettre des actions préventives appropriées. À l'occasion de chacune des réunions du Forum, le secrétariat présente une analyse sur ce thème, fondée sur les informations et avis collectés auprès des membres du Forum ou d'autres personnes ou institutions qualifiées.
D'autres initiatives ont aussi été prises par le Forum, telles la préparation d'un « compendium » des différents standards et codes de conduite de manière à aider les pays concernés à mieux définir leurs priorités en la matière, l'examen des domaines dans lesquels de nouveaux standards devraient être établis, la mise en place d'une base de données des formations en matière de stabilité financière offertes aux pays émergents, etc.
Le principal challenge auquel le Forum est confronté est, bien naturellement, celui de la crédibilité que lui vaudront ses premiers travaux et ses premières initiatives. De ce point de vue, la publication prochaine de ses trois premiers rapports sera un test important.
D'autres questions se posent aussi concernant la composition du Forum :
- Celui-ci devra éviter le danger technocratique et devra, pour ce faire, établir des contacts appropriés avec des praticiens, associer étroitement le secteur privé à ses travaux sans pour autant courir le danger d'interférences extérieures. La chose est relativement aisée au niveau des groupes techniques qui peuvent commodément interroger des techniciens extérieurs susceptibles d'apporter des éclairages utiles sur les sujets traités. Divers contacts de ce type ont d'ailleurs été pris par les divers groupes de travail constitués. Les procédures à mettre en place sont plus délicates à définir en ce qui concerne le Forum lui-même. Ce qui, à ce stade, est en tous cas certain, est la volonté clairement affichée par le fondateur, le président et nombre des membres du Forum d'associer le secteur privé aux travaux et aux réflexions de celui-ci, selon les procédures les plus appropriées.
- Le Forum devra aussi éviter le risque d'apparaître comme une institution d'où les pays émergents seraient exclus. Le poids prépondérant des pays du G 7 dans la composition du groupe peut le faire craindre et cette préoccupation figure déjà dans les textes fondateurs issus du rapport du Président Tietmeyer. Diverses mesures ont été prises sans tarder : admission de quatre membres de pays extérieurs au G 7, présence dans les groupes de travail d'experts de pays non représentés au Forum. Sera-ce suffisant ? Seul l'avenir pourra le dire, mais il est probable que le Forum devra tenir un juste et délicat équilibre entre représentativité (qui pousse à l'élargissement) et efficacité (qui prêche en faveur d'un groupe resserré). Le Forum compte actuellement 40 membres ; les possibilités d'extension sont de fait limitées sans risquer des lourdeurs que les fondateurs voulaient précisément éviter.
Des développements qui précèdent, on déduira aisément que le rôle joué par la BRI et par les banques centrales en matière de stabilité financière est significatif : parmi les cinq comités à vocation prudentielle, la BRI assure le secrétariat de trois et héberge celui d'un quatrième ; le Président du Forum de stabilité financière est le Directeur Général de la Banque, nommé il est vrai à titre personnel ; le secrétariat du Forum est géré par la BRI. De plus, à la lecture des publications de la BRI, on jugera combien le thème de la stabilité financière, en parallèle à celui de la stabilité monétaire, a retenu l'attention grandissante des économies de cette institution.
Pour ce qui est des banques centrales, on observera qu'elles figurent de droit dans les délégations au Forum des pays du G7 et représentent de fait les quatre pays supplémentaires récemment admis ; de plus, elles contribuent à deux au moins des Comités à vocation prudentielle membres du Forum.
La stabilité financière, sans être l'apanage exclusif des banques centrales constitue donc pour elles un thème majeur de préoccupation et d'activité. Longtemps contenue à l'intérieur des frontières nationales, cette responsabilité a connu une internationalisation progressive qu'ont accéléré la mondialisation des marchés et l'apparition des crises graves et fréquentes, au cours des cinq dernières années. La BRI, pôle de coopération monétaire et financière entre banques centrales, forte aussi d'une longue tradition de coordination des travaux de supervision bancaire, a été le principal instrument de cette internationalisation et a vu son rôle se renforcer dans les divers aspects de stabilité financière relevant de sa compétence. Elle contribue activement à la prévention du risque systémique.