Repli de l'activité interbancaire internationale

BIS Quarterly Review  | 
9 mars 2014

(Encadré publié pp. 6-7 de la section « Principales tendances ressortant des statistiques internationales BRI », Rapport trimestriel BRI, mars 2014)

La crise financière mondiale de 2007-09 et les tensions qui en ont résulté dans la zone euro ont profondément marqué l'activité interbancaire internationale 1. Il ressort des statistiques bancaires territoriales BRI par pays de résidence que les prêts transfrontières interbancaires (y compris les positions intragroupes) ont chuté de $22 700 milliards à $17 000 milliards entre fin mars 2008 et fin septembre 2013. Si cette contraction a touché la plupart des pays du monde, c'est en Europe qu'elle a été la plus vive, et surtout dans la zone euro. Les créances des banques déclarantes BRI sur les implantations bancaires dans la zone euro ont diminué, au total, de $2 600 milliards (graphique A, cadre de gauche), soit 31 %. Les prêts aux banques du Royaume-Uni ont baissé de $1 700 milliards, soit 35 %. Les créances sur les banques aux États-Unis et en Suisse ont aussi lourdement chuté, à hauteur de $415 milliards (16 %) et $346 milliards (42 %), respectivement. Le présent encadré examine les facteurs en cause, en s'intéressant plus particulièrement à l'évolution dans la zone euro.

Les statistiques bancaires territoriales BRI par pays d'origine (nationalité) montrent que les banques ayant leur siège dans la zone euro ont joué un rôle central dans la réduction des prêts interbancaires transfrontières, étant à l'origine de plus des deux tiers de la contraction (graphique A, cadre du milieu). Le reste était essentiellement le fait des banques suisses. Le rôle prépondérant des banques de la zone euro et de Suisse est en partie lié à la façon dont elles mènent leurs activités interbancaires internationales. Ces banques avaient l'habitude de faire transiter une grande part de leurs opérations par Londres2. Cette pratique s'est beaucoup ralentie au cours de la période 2008-13. De fait, la contraction de l'activité interbancaire transfrontière enregistrée par les implantations bancaires au Royaume-Uni tenait quasi entièrement aux banques de la zone euro et de Suisse, qui y ont contribué pour un montant cumulé de $1 100 milliards depuis fin mars 2008 (graphique A, cadre de droite, zone colorée). Cette contraction de l'activité à partir du Royaume-Uni s'est concentrée sur la zone euro, tant en termes de prêts que d'emprunts (graphique A, cadre de droite, ligne bleue et ligne rouge).

La forte chute de l'activité interbancaire internationale avec la zone euro s'est traduite différemment selon les pays. On peut distinguer trois groupes, en fonction de l'évolution des prêts et emprunts des banques. Dans le premier groupe, qui comprend la Belgique, la France et les Pays-Bas, l'importante réduction du financement transfrontière observée en 2008-13 s'est accompagnée d'une contraction comparable des prêts interbancaires transfrontières, de sorte que les positions nettes sont restées largement inchangées (graphique B, cadre de gauche). Les prêts et emprunts interbancaires transfrontières des banques situées en France ont d'abord rapidement diminué pendant la crise financière mondiale, mais ils se sont redressés de mi-2009 à mi-2011. Ils ont à nouveau chuté sous l'effet de l'intensification de la crise financière dans la zone euro à partir de l'été 20113.

Le deuxième groupe est constitué des banques en Allemagne, grandes bénéficiaires nettes du financement interbancaire international, surtout pendant la période 2010-13. Ces banques ont enregistré une baisse de leurs prêts et emprunts interbancaires transfrontières durant la majeure partie de 2008-09 (graphique B, cadre du milieu), tendance qui s'est inversée ensuite. Lorsque les premières secousses de la crise financière dans la zone euro ont frappé les marchés financiers, au premier semestre 2010, les engagements interbancaires transfrontières de ces établissements se sont accrus, annulant ainsi, en partie, la baisse cumulée des deux années précédentes (ligne rouge). Dans le même temps, ces banques ont continué de réduire leurs prêts interbancaires transfrontières (ligne bleue). Leurs engagements interbancaires ont, à nouveau, fortement augmenté de juin 2011 à juin 2012, sous l'effet de l'aggravation de la crise financière dans la zone euro. Cette expansion s'est traduite par une hausse des dépôts détenus par les banques en Allemagne auprès de l'Eurosystème (ligne orange).

Le troisième groupe, qui réunit les banques situées à la périphérie de la zone euro (Espagne, Grèce, Irlande, Italie et Portugal) a, en revanche, connu une forte baisse de son financement interbancaire transfrontière, tandis que ses prêts diminuaient plus modérément (graphique B, cadre de droite). Les emprunts interbancaires transfrontières de ces banques ont reculé au total de $1 200 milliards en 2008-13 (ligne rouge). L'important déficit de financement international qui en est résulté a été compensé par un accroissement des emprunts contractés auprès de l'Eurosystème (ligne verte), qui a ainsi joué le rôle de mécanisme de financement pour ces pays, à la place du marché interbancaire international.

 

1 J. Caruana et A. van Rixtel, « International financial markets and bank funding in the euro area: dynamics and participants », article publié initialement dans Economistas, décembre 2012.

2 G. von Peter, « International banking centres: a network perspective », Rapport trimestriel BRI, décembre 2007.

3 A. van Rixtel et G. Gasperini, « Financial crises and bank funding: recent experience in the euro area », BIS Working Papers, n° 406, mars 2013.